mardi 6 décembre 2011

Comment chasser la culpabilité … ?

Ma grand-mère qui a 100 ans et se porte encore très bien m'a dit un soir : « Tu sais ma chérie, si j’ai une certitude dans la vie, c’est bien celle-ci : la culpabilité n’a jamais menée personne nulle part. C’est une impasse ! ».


Entendons-nous bien, quand j’évoquais avec elle « la culpabilité », je faisais allusion à ce que nous pouvons tous ressentir quand nous avons l’impression de ne pas avoir été à la hauteur. D’avoir, par exemple, manqué un jour de patience sans raison avec son enfant. D’avoir déçu. D’avoir, ce qui a été beaucoup plus compliqué dans mon histoire, survécue à un drame où d’autres n’ont pas survécus. Dans ce cas précis, les psychanalystes parlent d'ailleurs de la « culpabilité du survivant ».
Ce sentiment, souvent exprimé par de nombreux juifs qui ont échappés à la barbarie de la seconde guerre mondiale, je le connais bien.
Je n’ai pas été confrontée (ni moi, ni ma famille) à ces atrocités, mais j’ai, moi aussi, survécu à un drame : un accident de voiture. En un fragment de seconde, mes deux parents y ont perdu leur vie. J’étais aussi dans cette voiture. Gravement blessée, j’ai passé un mois entre la vie et la mort. Mais j’ai survécu. J’avais 7 ans. 
Loin de moi l’idée de m’attarder sur le sujet, par pudeur, et puis ça n’est pas non plus tout à fait le propos, mais c'est pour vous dire que je sais de quoi je parle. Car oui, étrangement,  même en aimant la Vie de toutes mes forces, j'ai longtemps culpabilisé à l'idée d'être  "vivante". Pourtant que peuvent souhaiter des parents à leurs enfants, si ce n'est d'être en vie. En vie et le plus heureux possible...??? Pourquoi et comment douter de cela !? Or longtemps j’ai douté. Jusqu’au jour où j’ai compris ce qu’avait voulu me dire ce soir là ma grand-mère, ayant sans doute perçue mes douleurs sans que je ne lui en parle jamais : « Tu sais ma chérie, si j’ai une certitude dans la vie, c’est bien celle-ci : la culpabilité n’a jamais menée personne nulle part. C’est une impasse ! ».

Mais voilà qu’elle revient au galop …

Affrontée, puis apprivoisée, puis domptée, je pensais m’en être, avec pas mal des années (39 ans pour être précise), enfin débarrassée. Au Diable la culpabilité !
Bah non ! Voilà qu’elle revient au galop. Au galop…avec, ou plutôt à cause de ce put... de CANCER.
Le cancer est comme un missile qui vous arrive en plein cœur, ça je vous l’avait déjà dit, mais c’est aussi une bombe pour tout l’entourage, surtout pour cercle intime. Très intime. C’est à dire ceux qui vivent avec moi au quotidien : ma fille et mon chéri.
Cette fichue bombe a en plus un détonateur que je n'ai pas programmé, qui peut exploser plusieurs fois, n’importe quand, au sein même de mon foyer. Terrible.
Pour le moment, je dois dire que mon chéri est doté d'une une sacrée cuirasse. Il encaisse et résiste aux chocs. Fait secrètement son deuil de pas mal de nos adorables habitudes, projets, escapades diverses et variées...et de moments tout bêtes : tenez, même moi derrière lui sur sa moto pour traverser Paris, c'est plus possible...Voyez si c'est bête hein !! Et sans grande  importance. Sauf que TOUT est plus ou moins comme ça. En mode "pause". Entre "parenthèse". 
Mais mon chéri est très fort. Il arrive, du moins en apparence, à tout décaler d’un an (le temps minimum du traitement). Dans le fond je sais bien qu’il accuse le coup, et que ça n’est pas facile pour lui. Pas funky. Ah ça non !! 
Ma fille, elle, est dans l’instant, comme tout enfant de 8 ans, avec ses joies et ses peurs. Ses questions graves : "Maman est-ce que tu vas mourir ?" , et ses rires aux éclats…  Il faut la rassurer, lui promettre que je vais guérir mais que ça va être long... mais que, bonne nouvelle, il y aura des jours où j’aurai plus de temps pour elle (Youpi !) et d’autres où je serai fatiguée. 

Culpabilité quand tu nous tiens....

Mais c'est bien là, dans ma maladie, que se loge ma culpabilité. L'idée d'être malade, passe encore... mais celle d'imposer à ceux que j'aime le plus un rythme et un mode de vie (même provisoire), qu’ils n’ont ni choisis, ni désirés... me hante et me blesse encore plus.
Nous étions tous heureux de nous évader quelques jours au Maroc à Noël : voyage annulé.
Mon chéri était fier et heureux de m’apporter de la « LEGERETE », de la belle et jolie légèreté… un luxe de chez luxe par les temps qui courent, et voilà que je lui colle une bombe sous le nez !!!
Alors oui, je culpabilise. Oui, je m’en veux. Et non, je ne suis pas fière, mais pas fière du tout d’être malade :-((((

Le bon sens des anciens...

Alors comment transformer ce sentiment « étrange et pénétrant » comme disait Verlaine, sauf que lui parlait d’amour… Comment transformer ce sentiment tenace en une force plus vive ? Je n’ai pas encore trouvé la recette magique. Mais aujourd’hui plus qu’hier, me revient en mémoire cette phrase de ma grand-mère, ma grand-mère qui a connu deux guerres mondiales et bien des épreuves : « Tu sais ma chérie, si j’ai une certitude dans la vie, c’est celle-ci : la culpabilité n’a jamais menée personne nulle part. C’est une impasse ! ».
Il va donc falloir me trouver une nouvelle voie... Faire à nouveau confiance à la Vie. Ecouter ma grand-mère...

A bon entendeur, salut !

CC

PS : Deux photos de ma filles prises par mon chéri pour aller plus loin...


voir plus loin...


et continuer à ramasser des coquillages...

5 commentaires:

  1. Bonsoir Caroline,
    Bon courage pour Jeudi et très bien les visites chez le Dr. Jeanin. J'y suis allée pendant mon année de chimio et je me sentais bien en forme après les séances.
    Bien amicalement
    Françoise Hentic (Copine de sophrol.)

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  2. Et si ceux que tu aimes trouvent que tu n'imposes rien du tout?
    Je t'embrasse Caro
    Et n'oublie pas demain: on ze roc!! Comme le Martini ;-))
    Damien

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  3. Parce que pour etre coupable il faut etre responsable...
    Parce que plus les epreuves sont dures, plus la vie est appreciee ensuite...
    Votre grand mere avait mille fois raison...
    Mille pensees positives pour votre chimio demain
    Adeline

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  4. Nous naissons, pour ainsi dire, provisoirement, quelque part; c'est peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine, pour y naître après coup, et chaque jour plus définitivement.
    Rainer Maria Rilke

    Toute mon énergie à partager avec toi aujourd'hui, demain et ce jour de chimio qui t'effraie. tout n'ira pas bien mais tout ira de mieux en mieux je te le dis.

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  5. Caro,

    Demain comme tous les jours je serai avec toi, des petits bisous doux
    vro

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