Tout récemment, j’ai été
invitée à participer à une « enquête » à la demande des équipes
médicales de l’Institut Curie.
Objectif ? Connaître les difficultés
psychologiques, affectives, physiques, financières, rapports avec les médecins, compréhension des traitements, etc…,
auxquelles se heurtent les personnes atteintes d’un cancer du sein en fin de
traitement, pendant les phases de surveillance et au-delà.
Ma mission ? Répondre
à toutes les questions posées dans le questionnaire (je dois dire qu’elles
étaient assez nombreuses), cocher des cases, apporter des commentaires
supplémentaires si nécessaire.
no
détresse !
Parmi les questions posées,
celle-ci : « quel est aujourd’hui
votre sentiment de détresse sur une échelle de 1 à 10 ? »
Sur la feuille, il y a une
sorte d’échelle, côtée de 1 à 10 (logique). A moi d’évaluer ma
« détresse », de griffonner une croix là où je pense me situer.
En lisant cette page, je
me suis souvenue que cette même question, avec le même graphisme, m’avait déjà été posée par une infirmière
quelques jours après l’annonce de ma maladie.
Étrangement, j’ai eu
exactement le même reflexe que la première fois, le même geste : j’ai barré le
mot « DETRESSE ». J’ai dit que n'éprouvais aucune détresse. Zéro détresse. No détresse. Même en cherchant, ce mot semblait n'avoir aucun écho en moi.
Pas de détresse non ! Et grâce à qui ? A mon chéri qui m'aime, à ma fille qui a encore besoin de sa maman, à ceux que j’aime (amis, famille) et qui tiennent (hé j'espère bien !) un peu, à moi.
Grace aussi à ceux qui sont au Ciel.
Oui je le crois, ce sont l’Amour et l’Amitié, (dicibles ou indicibles) les liens
(visibles ou invisibles) qui m’ont évité ce sentiment terrible de détresse. Ce
besoin de sortir les balises. Ce sentiment total d’abandon.
Mais n’allez pas croire. Je ne crie pas victoire ! Je n’ai pas échappé à tout. Pas à la tristesse, encore moins à la peur.
Tout au long de ma
traversée, j’ai éprouvé des chagrins terribles. Des chagrins puissance 1000,
des chagrins ou toutes les larmes de votre corps coulent à flot. Des chagrins
qui ressemblent à de gros nuages gris et denses, chargés de pluie. Mais des
chagrins qui passent. Qui passent comme les nuages. Qui passent comme le gros temps. Alors vient l'accalmie, vient l'éclaircie, parfois même, arrive le très beau
temps.
Ces chagrins sont très
forts mais me rappellent que je suis vivante et sensible.
La peur c’est autre chose.
La peur c’est pour plus tard. La peur c’est l’inconnue. La peur c’est pas
forcement utile mais elle est là. Elle s’accroche en moi ou se planque pour mieux ressurgir. Elle me fait des noeuds partout : dans le
ventre, dans le cou, dans le bas du dos…
La plupart du temps je n'ose pas en parler. Je suis gênée. Alors je reste toute seule avec elle. C'est bête.
La seule façon pour de m'en débarrasser, c’est de m'en faire une alliée.
Maintenant que j'ai compris cela j'ai un tout petit peu moins peur !
La question sur la
DETRESSE n’est bien sur pas anodine. J’imagine que bien des
« patientes » éprouvent ce sentiment. Soit parce qu’elles sont seules dans leur vie, leur maison… Soit parce que leur frigo est vide (plus
beaucoup d’argent pour faire les courses), soit
parce qu’elles souffrent physiquement continuellement, soit parce qu’elles
cumulent toutes les difficultés…
Quand je vous confiais l’autre
soir que mes deux mots préférés étaient : « INTIMITE ET
TENDRESSE », ça n’était pas pour rien.
C’est parce qu’il y a de
la TENDRESSE dans ma vie. De la tendresse, du coton, de la soie … que je vais bien.
C’est parce que qu'il y a de l'Amour dans mon petit nid douillet, dans ma bulle, dans mon INTIMITE... que je vais bien.
Le sourire de ma fille, les
bras de mon chéri.
Ma famille, mes amis.
Dieu que tout cela est bon
et précieux.
Merci à ceux qui
m’entourent
Merci à ceux qui sont au Ciel.
Aujourd’hui comme hier je
vais bien. De mieux en mieux.
CC